Après avoir passé en revue les 4 émotions principales (peur, joie, tristesse, colère) et leur fonction, je vous propose maintenant de découvrir comment et pourquoi nous consacrons temps et énergie à tenter de les trafiquer. Je vous proposerai ensuite une liste de questions à se poser afin de ne pas céder à cette tentation et reprendre le contrôle, la gestion de nos émotions.
Comment trafiquons-nous nos émotions ?
Pourquoi n’utilisons-nous pas nos émotions de manière fonctionnelle ?
Pourquoi n’utilisons-nous pas nos peurs pour nous protéger d’un danger et nos colères pour faire changer ce qui ne nous convient pas ?
Pourquoi, lors de pertes d’objets ou de personnes, ne nous autorisons-nous pas à reconnaître notre tristesse et encore moins à l’exprimer ?
Pourquoi, enfin, sommes-nous si réservés pour exprimer nos joies ?
SOMMAIRE
Dans la première partie de ce blog, nous avons déjà donné quelques éléments de réponse : l’éducation, la culture, le manque de savoir et de savoir-faire. De plus, nous avons tendance à mélanger nos émotions. Nous risquons de nous bloquer, par exemple, dans la colère parce que nous ne voyons pas, qu’en dessous, se trouvent de la peur et de la tristesse.
Exemple : Une personne déprimée.
Elle ne sort pas de sa tristesse à propose de son divorce. Peut-être ne veut-elle pas ou ne peut-elle pas entrer en contact avec sa colère contre son ex-conjoint ou avec sa peur de vivre seule ? Quelle qu’en soit la raison, cette personne se bloque dans l’émotion tristesse en méconnaissant la présence de sa colère et de sa peur qu’elle ne gère pas. En conséquence, elle contrarie le processus de deuil.
Dans le même ordre d’idées, nous pouvons considérer l’anxiété, c’est-à-dire le blocage dans la peur, comme une défense contre le contact avec la colère, si celle-ci n’était pas admise dans notre milieu d’origine.
Le traitement d’un sentiment bloqué requiert la prise de conscience et aussi l’expression des trois autres sentiments. Donc, gérer nos émotions, c’est prendre conscience de nos blocages et de nos trafics d’émotions.
Pour ce faire, il nous faut connaître trois mécanismes que nous utilisons tout le temps :
1. L’accumulation des émotions ;
2. La réaction excessive ;
3. La réaction faussée/manipulatrice.
Passons en revue en détail ces trois mécanismes.
1. L’accumulation des émotions.
Chaque fois que nous prononçons des phrases du style : « J’en ai raz le bol ! », « Celui-là, il va me le payer ! », etc.….ATTENTION ! Nous sommes en train d’accumuler des émotions.
Sur le plan émotionnel, cela peut donner une accumulation pendant des mois :
- avec tel collaborateur à je le licencie ;
- avec mon conjoint à je divorce.
Sur le plan émotionnel, les effets de l’accumulation peuvent aussi entraîner:
- le meurtre ;
- le suicide ;
- la folie ;
- la somatisation grave (infarctus, cancer,…).
Une bonne gestion des émotions consiste à ne pas charger, ne pas accumuler, car un tel processus peut devenir très dangereux.
Nous n’avons rien à gagner à attendre. Il vaut mieux faire un usage fonctionnel de nos émotions, c’est-à-dire exprimer nos émotions au fur et à mesure et de manière appropriée. C’est le plus sûr moyen de faire disparaître le malaise.
2. La réaction excessive.
Elle peut concerner n’importe quelle émotion.
Exemple : J’entre dans une agence de voyage pour demander des informations sur mes prochaines vacances. Dès que j’aperçois l’hôtesse d’accueil, je ressens envers elle une grande colère inexplicable et totalement inadaptée à la situation présente, car je ne connais pas cette personne et je viens pour m’accorder un plaisir !
En général, l’événement présent ressemble à une situation problématique que j’ai vécue dans le passé sans l’avoir résolue sur le plan psychologique. Cette situation n’ayant pas trouvé d’issue satisfaisante, les vieux sentiments qui s’y attachent s’ajoutent aux sentiments liés à la situation nouvelle.
Pour en revenir à l’exemple de départ, la colère que je ressens par rapport à l’hôtesse de l’agence de voyage peut venir du fait qu’elle ressemble à ma tante Alice avec laquelle je partais en vacances autrefois quand j’étais enfant. Chaque fois que je lui demandais quelque chose de l’ordre du plaisir, la réponse était toujours non ! Pas maintenant, on verra plus tard ! Elle ne tenait jamais ses promesses. Je ressentais alors beaucoup de colère que je ne pouvais pas exprimer. Or, tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Tout ce qui s’imprime, cherche, à un moment ou à un autre, à s’exprimer.
Donc, dans mes échanges avec l’hôtesse, mes vieux sentiments refoulés envers ma tante reviennent.
Dans un tel cas, les sentiments deviennent disproportionnés, comme si la situation était attachée par un élastique à la situation ancienne qui est revécue. Nous voyons à quel point cela peut nous handicaper dans notre fonctionnement émotif de « l’ici et maintenant ». Nous risquons de bloquer ou de déformer notre conscience de la réalité présente.
MAIS, nous pouvons aussi, par un travail approprié, repérer les situations anciennes pour les revivre dans le présent et faire un travail de compréhension et de deuil émotionnel.
3. La réaction faussée/manipulatrice.
Il s’agit d’une réaction fausse et manipulatrice induisant un parasitage des sentiments.
Par exemple quand j’étais enfant et que je voulais quelque chose que mon père ou ma mère me refusait, il/elle m’opposait un vigoureux : « Ce n’est pas la peine de t’énerver, je ne céderai pas. »
Si je me mettais dans mon coin avec un air triste, mon père ou ma mère craquait, car il/elle ne supportait pas de voir son enfant malheureux et j’obtenais ce que je voulais. Du haut de mes cinq ans, j’en ai déduit que la colère n’était pas efficace et, qu’à l’avenir, chaque fois que je ressentirais de la colère, je montrerais de la tristesse.
Aujourd’hui, plus de quarante ans après, je peux continuer à me montrer déprimé pour obtenir ce que l’on me refuse ou risque de me refuser.
J’attire donc l’émotion tristesse, pour cacher l’émotion colère et pour arriver à mes fins : c’est une réaction faussée dans le sens où je substitue une émotion à une autre pour obtenir l’attention dont j’ai besoin par manipulation.
On appelle réaction faussée ou sentiment parasite toute émotion vécue à la place de l’émotion réelle et plus profonde qui reste cachée, car interdite, douloureuse, ressentie comme inappropriée à la situation présente.
Très tôt en tant qu’enfant, nous avons pris conscience des émotions permises ou non dans notre famille ; et pour nourrir notre besoin d’être aimé, reconnu, nous avons substitué une émotion à une autre, pour obtenir l’attention à laquelle nous aspirions.
Il s’agit d’une forme de chantage non conscient.
Le problème est alors que cette substitution crée de la confusion et nos besoins sont insatisfaits.
Ceci peut entraîner de nombreuses réactions dans notre corps, des états de tension qui ne peuvent être ni déchargés, ni résolus, ce qui peut entraîner des « mal-à-dire » notre émotion, c’est-à-dire des maladies (ex. maladies psychosomatiques,etc.).
C’est un sentiment basé sur un système de croyances illusoires adoptées dans l’enfance.
Devenu adulte, nous reprenons contact avec nos émotions faussées dans certaines situations de stress et nous reproduisons le même type de comportement. Il s’installe ainsi un cercle vicieux, car notre perception sélective des événements nous sert de preuve et vient renforcer notre système de croyances.
Exemple : Si mon chef de bureau me confronte à propos de mon travail mal fait, je peux montrer de la tristesse, car, avec mes parents, cela marchait à tous les coups. Ou je peux montrer de la panique, car, devant quelqu’un qui a si peur, il est normal que le chef résolve le problème à ma place.
Nous pouvons utiliser le même processus sur notre entourage en pratiquant un chantage émotionnel. Par exemple, en vivant une émotion avec suffisamment d’intensité pour que cela affecte les autres :
- si je suis suffisamment en colère…
- si je me fais très mal…
- si je suis trop malade…
- si je suis suffisamment confus…
… les autres feront quelque chose pour moi ou à ma place, ils me prendront en charge.
Cela demande un travail important que de bien connaître ses émotions ; et découvrir qu’une émotion en cache une autre, ou plusieurs autres, est souvent un choc.
La raison fondamentale pour laquelle nous nous bloquons dans une émotion est que nous ne reconnaissons pas la présence simultanée d’une ou deux autres émotions. Ainsi, je me cramponne à ma « déprime » après mon divorce, car je ne m’autorise pas à reconnaître ma colère contre mon « ex » ou ma peur de vivre seul.
Parfois l’émotion est tellement refoulée qu’il faut patiemment apprendre à la reconnaître pour l’exprimer de façon fonctionnelle.
Petite méthode récapitulative pour gérer ses émotions.
Plus qu'une méthode, il s'agit ici surtout de lister l'ensemble des questions à se poser en permanence pour conserver le contrôle et la gestion de ses émotions.
1. Décrire les faits avec plus de recul, de distance, pour décontaminer et reconnaître chaque émotion.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Comment ça se passe ?
- Qu’est-ce que je ressens précisément (peur, colère, tristesse, joie) ?
- Quelles sont les circonstances qui déclenchent cette émotion ?
Poser clairement ce qui se passe atténue l’intensité émotionnelle.
2. Attribuer un sens et faire confiance, car chaque émotion agit dans notre intérêt.
- Quelle croyance négative remonte à la surface et quelle croyance positive puis-je mettre à la place ?
- Quel message cette émotion me donne-t-elle ?
- Qu’est-ce qui ne va pas dans ma façon de communiquer aux autres mes besoins et mes désirs ?
- Que dois-je changer dans ma vie pour aller mieux et pour éviter que les mêmes problèmes ne réapparaissent ?
Appréciez vos émotions à leurs justes valeurs, et elles se calment instantanément.
3. Agir, adopter de nouveaux comportements, trouver des options.
- Qu’ai-je à me dire, à dire aux autres, pour éviter les « maladies » ?
- Qu’ai-je à exprimer maintenant afin de ne plus rester accroché aux émotions limitatives ?
- Que puis-je réutiliser de mon expérience positive passée face à cette émotion ?
- Quelles nouvelles options puis-je trouver pour modifier ma perception, mon interprétation, mes décisions ?
- Quels besoins dois-je satisfaire en ce moment ?
- Comment puis-je mieux communiquer mes besoins, sentiments, désirs aux autres ?
- Que vais-je faire pour appliquer une solution maintenant ?
En conclusion, gérer ses émotions demande une pratique régulière et systématique, un véritable entraînement au quotidien. Le thérapeute est là pour vous guider et vous accompagner dans cette démarche. La démarche peut s'envisager tant en entretien individuel que dans le cadre d'une thérapie de couple.